(0)3 5 7


© Andreas B. Krueger

 

 

(0)3 5 7
performance de Myriam El Haïk

dessins et voix : Myriam El Haïk
photos et montage video : Andreas Krüger
son et informatique musicale : Colin Lardier collaboration artistique : Mélanie Collin-Cremonesi

Création le 1er avril 2016, au Silencio

Dans (0) 3 5 7, le corps de l’artiste s’engage totalement, par la voix, les pas et la main qui dessine. Les procédés de combinatoire et de superposition propres au travail de Myriam El Haïk amènent le public à voir se tisser devant lui des liens structurels entre le dessin, la musique et la danse. Une performance à jeux et écritures multiples qui s’invente règles et codes mais dont l’unité reste le temps.

LANGUE ET LANGAGE

C’est d’abord avec les deux concepts de langue et de langage que Myriam El Haïk joue, pense. S’intéressant à la particularité de la langue arabe où chaque vocable est dérivé d’une racine verbale trilitère, elle invente une figure dessinée qu’elle soumet à un système de règles simples : la constellation, un cercle dans lequel elle relie des ensembles de trois points jusqu’à épuisement. De ce système elle conçoit une performance basée sur la répétition d’actions propres à la danse, à la musique et l’animation : la marche, le chant et le dessin. Comme si cette performance, sur le modèle de la langue arabe s’appuyait aussi sur trois médiums et comme si, chaque art avait pour origine-ou racine- une action élémentaire.

Ainsi, d’un simple élément idiomatique l’artiste construit des formes et des images et nous montre comment finalement le verbe devient pensée. Heureusement, ce sont des images qui se répètent mais sans réussir à être identiques : des images imparfaites, infinies.

STRUCTURE DE LA PERFORMANCE

La structure de la performance (0) 3 5 7 est précisément faite de ces éléments chiffrés : le silence, le presque rien du cercle, les triangulations du dessin de la constellation, les 5 phonèmes du motif vocal et enfin le rythme en 7 temps qui conduit l’ensemble, conditionnant à la fois la marche, le dessin et le chant.

C’est avec la vitesse que se construit la pièce. On répète la même figure, lentement, modérément puis rapidement, dessinant une vague d’accélération d’ailleurs suggérée par le titre dont les chiffres progressent de 0 à 7. Précipitation du temps dans l’action ou de l’action dans le temps. Une expérience de la durée avec des temporalités qui s’enchaînent puis se superposent pour donner à voir et à entendre les effets d’un temps qui accélère.

Comme pour COODD, Myriam El Haïk, compose (0) 3 5 7 telle une pièce de musique. Elle confronte ainsi l’art de la performance au jeu de la pensée musicale.

LE TITRE: (0) 3 5 7

Si le titre (0) 3 5 7 évoque le time code, ce message codé renvoie aussi bien à un numéro de téléphone qu’à un code secret à mémoriser. Un indicatif. Bref, à une série de chiffres à retenir, à composer. D’une certaine manière, (0)357 renvoie au langage commun de nos sociétés, à des modes de communication codifiées, par la langue, par des gestes, par des automatismes et une gestion obsessive du temps. L’art est finalement un des maillons de cette grande chaîne de communication, de cette écriture d’un temps devenu automate où l’homme est remplacé par la machine.

Mais si le pouvoir du numéraire dans les rituels ordinaires semble ici intéresser Myriam El Haïk, c’est pour chercher à le transcender qu’elle expérimente une répétition méditative finalement proche du sacré. Clin d’œil à l’ésotérisme et aux chiffres magiques, la série 0-3-5-7 du titre tout comme les cercles, les lignes et les points de la constellation ne cessent de rappeler la nécessité d’une spiritualité dans l‘art.